[ShadowPC] L’interview sans tabou d’Emmanuel Freund
Q- Qui es-tu ? Que fais-tu ?
R- Je m’appelle Emmanuel Freund, enchanté, je suis le Président de la société Blade qui a produit Shadow qui est un ordinateur vachement chouette.
Q- Blade c’est la société et Shadow le produit, mais comment est né Shadow ?
R- Il y a plusieurs histoires. Il y a celle qu’on raconte partout qui est à moitié la vraie histoire. Avant j’étais chargé de faire des téléphones, smartphones, c’était sympa, on faisait toute la construction du Smartphone depuis la production en Chine, le développement de l’UI jusqu’à l’interface et tout le reste. Et on s’apercevait rapidement que c’était un peu débile d’essayer de mettre des composants de plus en plus gros dans quelques que choses de plus petit, ça aurait été vachement plus efficace, vu que le smartphone était déjà connecté, si on pouvait envoyer la puissance depuis l’extérieur. Si on pouvait envoyer la puissance depuis l’extérieur on serait capable d’avoir des smartphones qui coûtent moins de 10 euros et qui seraient au moins dix fois plus puissant qu’un iPhone avec une batterie qui durerait quatre ou cinq jours. C’est celle qu’on raconte un peu partout sur pourquoi on a commencé la boîte.
Q- Du coup, quelle est la vraie histoire ? Le vrais « pourquoi » ?
R- Tout d’abord, on se faisait chier. On avait fait une première boîte où on s’était bien marré. On travaillait dans la boîte qui nous avait rachetés. C’était très sympa mais ce n’était pas notre boîte. On avait vraiment envie de faire notre boîte. C’était surtout pour faire un peu comme toutes les startup, de changer le monde et d’essayer de faire un produit technologique qui soit plus intelligent, qui améliore vraiment l’humanité. En se disant que les personnes qui font les smartphones comme Steve Jobs et toutes ces personnes-là qui sont vachement chouettes, ils ont fait beaucoup de produits mais n’ont pas réfléchi si le smartphone améliorais vraiment l’humanité où pas. On se demandait ce qu’on pourrait faire de mieux, où est-ce que notre vie aurait un sens. On s’est dit qu’on allait faire un Google français. On trouvait l’idée tellement délirante et on voulait montrer qu’on pouvait y arriver. En plus, vu que nous aurions été le nouveau Google français, nous aurions eu de vraies belles valeurs « Liberté, Egalité, Fraternité » pour donner un sens à ce qu’est l’humanité.
Q- Vous n’avez pas peur qu’un géant vous rachète ou de la concurrence ?
R- C’est compliqué comme question à répondre. C’est l’une des premières questions que nos investisseurs nous posent avant qu’ils investissent dans notre boîte. Il y a une sorte d’idée reçue qui est que quand tu fais un ordinateur français, c’est obligatoirement pourri, que la vraie technologie qui va se faire est en Amérique ou à la limite en Chine, et qu’en plus, des sociétés comme Google, Facebook, Microsoft où même NVIDIA ont des milliards d’euros et s’ils décident d’aller sur ce marché, ils en ont les moyens et peuvent décider de l’écraser en 1 seconde. Mais c’est complément faux. On constate que Google, Microsoft voir Facebook n’ont presque rien sorti ces dernières années. Leur fonctionnement est de racheter d’autres boîtes. Quand une boîte est très grande c’est hyper dur de développer quelque chose. Ce que tu vas développer c’est toujours une équipe de cinq personnes qui s’en occupe, jamais beaucoup plus. Après tu vas mettre sur le marché ton équipe, soit tu es une startup et tu en as rien à faire, tu te mets sur le marché, tu fais les choses rapidement, tu ne prends pas de vacances et tu bosses tous les soirs jusqu’à deux heures du matin. Ou sinon, tu t’appelles Google ou Nvidia et ton équipe de cinq personnes, surtout si elle est vachement bien rémunérée, va plutôt prendre des vacances et finir à dix-neuf heures le soir (c’est déjà vachement tard). Ton équipe bosseras pas mal, mais pas de façon incroyable. Donc ton projet va beaucoup moins vite et en plus, quand il sera fini, il faudra passer par le commercial, le marketing, la voix légale, la logistique et d’autres. Le fait de faire tout cela fait que la mise dans le marché du produit est en général très lente. Ce qu’on voit souvent, c’est des startup qui marchent très bien; elles sont rachetées des milliards voir des centaines de millions par de grosses boîtes, puis d’un coup ça marche beaucoup moins bien. Tu regardes comment se développe Oculus Rift que Facebook font, regarde aussi comment se développe ce que Google ont racheté, où Skype avec Microsoft c’est toujours à peu près comme cela.
Q- Si je comprends bien, quand c’est racheté par une grosse entreprise ça coule, ou ça a moins de succès ?
R- Pas toujours, mais la vitesse de développement est moins élevée. Nous sommes plus rapides que n’importe quelle société pour développer. Pas parce qu’on est meilleur, mais du fait que nous sommes beaucoup plus petits. C’est un peu comme ça que marche le monde et c’est la chance des startup. Si tous les nouveaux projets sont faits par des startup qui brillent, ce n’est pas pour rien. C’est beaucoup plus facile de le faire faire par une startup que par un géant. D’ailleurs nous l’avons vu quand nous étions cinq, nous allions super vite. Maintenant que nous sommes cent vingt c’est beaucoup plus long de faire du développement. Du coup on a dû se réinventer pour refaire du développement rapidement.
La deuxième chose, c’est que nous avons pleins d’argent. On dit que les grosses entreprises ont des milliards sur la table mais nous aussi. Nous avons la chance la chance d’être complétement financé. Nous avons levé plus de 60 millions d’euro. Si on le veut on met 2 millions en marketing demain juste en France. Les grosses boîtes non pas un avantage supérieur à nous. ça ne sert à rien de mettre par exemple 10 millions au lieu de 2 millions en marketing. On la vue quand nous avons fait une campagne d’1 millions en début d’année, honnêtement nous n’avons pas vendu plus que quand on ne faisait pas de campagne. Notre produit se vend beaucoup de bouches à oreilles. Si les utilisateurs sont content, ça se vend super bien et si les utilisateurs ne sont pas contents, ça ne se vend pas, c’est aussi simple que cela.
Q- Il y aura toujours la personne qui voudra garder sa machine et qui n’a pas forcément envie de mettre ses données dans le Cloud mais aussi l’autre personne qui s’en fiche en quelque sorte qui veut juste une bécane qui tourne pour jouer, un peu comme Jérôme de NowTech TV. C’est un moyen efficace pour lui car il peut l’emmener par tout. Il y a deux sortes de personnes donc après, pour convaincre ces deux types de personnes, ça va être difficile.
R- C’est assez vrai, mais ce n’est pas nécessairement nous qui allons les convaincre, je veux dire c’est que ça va dans le sens du monde. Par exemple si tu prends des exemples vraiment loin ces personnes qui ont vraiment peur de mettre leurs données dans le Cloud il y a dix ans, maintenant ils ont tous leurs contacts de leur téléphone Android qui sont sauvegardés sur le Cloud de Google.
Q- En plus je pense qu’en terme de vie privée Google c’est le pire.
R- Mais c’est tout à fait ça. Apple c’est pareil, toutes les photos, contacts et autres sont sauvegardés sur iCloud. Toutes leurs données sont déjà sur le Cloud et c’est ça le vrai problème : ce que le gens ne se rendent pas compte c’est que toutes leurs données, toute leur vie, et c’est ce qu’on a vu avec le scandale Facebook, est malheureusement déjà sur le Cloud et sur des Cloud qui sont mal protégés.
Q- Du coup, comment tu pourrais rassurer les utilisateurs de Shadow par rapport à leurs données personnelles.
R- Justement la différence avec les Cloud du style Facebook, Google, Apple ou les Cloud habituels est que les données appartiennent aux utilisateurs. ça veut dire que si tu es un utilisateur de Shadow et que tu mets des choses sur ton disque dur, ces données sont à toi. On ne peut ni accéder, ni regardé ce qu’il y a sur ton disque dur, on ne peut pas l’utiliser et encore moins revendre les données à des tiers, en gros on ne peut rien faire avec ces données. On ne peut même pas le mettre dans une jolie interface pour t’indiquer ce que tu as comme données parce qu’on ne peut pas y accéder. Tu n’as aucun risque de les retrouver ailleurs. Et en plus de ça, si tu es parano, ce n’est pas un problème, tu peux chiffrer tes données, mettre un mot de passe sur Windows. Tu peux faire tout ce que tu veux, tout ce qui te rassura qu’il n’y a que toi qui connaissent ces informations.
Q- Je pense que beaucoup ne comprennent pas en quoi consiste le fait de monitorer une machine, donc avoir le droit de regard sur la machine en général, sur tout ce qui est pourcentage du processeur, carte graphique, bande passante mais pas plus, c’est bien ça ?
R- Exactement. En fait tu peux imaginer qu’on a accès à la voiture mais pas tout ce qui est GPS, niveau d’essences et tout ce genre de choses. On a accès à la machine du serveur. Donc on peut monitorer tout cela. Et d’ailleurs on le fait et c’est grâce à cela qu’on essaye de choper les mineurs : les personnes qui minent de la crypto-monnaie. On regarde si la carte graphique est utilisé à 100% hyper longtemps et on se dit plus tard si le mec l’a utilisé pendant 48h une carte graphique à 100% il y a peut-être un problème quelque part.
Q- C’est comme ça que vous avez pu déceler en partie, à la sortie de Juntos, des personnes qui ont beaucoup profité, abusé de la bande passante et c’est pour cela que vous avez bridé en partie la bande passante pour les utilisateurs.
R- Exactement. Mais en fait ce n’est pas totalement ça, c’était une supposition. On n’a pas vu des personnes qu’il le faisait. On a juste vu la bande passante, en général, augmenter et ce n’était pas normal. On ne peut pas regarder le volume d’échange de données d’une seule personne.
Par exemple, si toi tu utilises une seedbox, on peut savoir que tu fais du 10 Giga contrairement à la carte graphique qu’on n’est pas capable de voir si tu as une bande passante de 10 giga et une autre personne 5 etc. Par contre, là où on peut le faire c’est à la sortie du Datacenter. Donc quand on voit 10, 20 utilisateurs, bon j’exagère mais par exemple : 5000 utilisateurs à ce moment-là et qu’ils prennent tous une bande passante de 5 térabits, il y a un vrai problème.
Q- En quelque sorte, vous êtes le FAI comme Orange, ils peuvent voir ce qu’on fait mais il s’en foutent.
R- Non ce n’est pas cela. On ne peut pas voir ce que vous faites, il faudrait qu’on installe tout un système beaucoup trop complexe, et encore une fois vous pouvez chiffrer vos données. Et tout ce que tu envoies sur internet est en quelques sortes chiffré. On ne peut pas voir ce qui se passe.
Q- Tout ce qui est bande passante, c’est mutualisé, c’est partagé avec d’autres machines. Ce n’est pas dédié à chaque utilisateur.
R- Oui et non. On va créer des canaux à la sortie des Data-center, donc on va acheter par paquets de 10 GB/s. Plus on a d’utilisateurs plus on va en acheter. On en achète à peu près tous les 4 mois et on augmente notre capacité de façon régulière. Evidemment, il ne faut pas qu’on en achète trop par rapport à l’utilisation car sinon ça coûte trop cher. On va en acheter à peu près en fonction de ce que les utilisateurs consomment. Pour avoir assez de buffers pour que ça soit quand même assez large pour les utilisateurs. Tous les utilisateurs partagent cette bande passante. Mais il faut s’assurer qu’il y en a assez pour tout le monde. Maintenant on s’assure aussi qu’un utilisateur ne pique pas la bande passante de tout le monde, on s’assure donc qu’il y ait assez pour filler à tous les utilisateurs une moyenne de 600 mbps à 1Gb/s. C’est pour cela que quand tu fais des tests de download ça devrait être à peu près constant entre 600 mbps et 1 Gb/s et du coup cela ne dépend pas des utilisateurs.
Q- Vous garantissez du coup, à peu près, 600mbps en moyenne ?
R- Normalement on devrait être aux alentours du 1 GBPS.
Q- Vous gérez comment votre hyper croissance, car comme tu l’as si bien dis, vous étiez cinq au départ et maintenant près de cent-vingt ?
R- Exactement nous sommes près de cent-vingt.
Q- En plus de cela, vous avez changé de locaux il y a quelques mois, vous êtes en plus à côté du Grand Rex à Paris.
R- Oui c’est exact nous avons changé de locaux on commençait à être à l’étroit.
Q- Comment recrutez-vous ? Aux façons de Google ? Je sais qu’il y a plusieurs phases de recrutement.
R- On le fait un peu à la Google. On a plusieurs étapes de recrutement.
La première est qu’en fait pour rentrer, on dit qu’on ne lira jamais un CV et en plus si les personnes n’ont pas répondu à un questionnaire tout à fait stupide fait par les employés. Tous les employés ont fait un questionnaire un peu bête qui dit « Qu’est-ce que tu ferais avec un million d’euros ? » « Comment tu rentrerais secrètement dans les locaux de Shadow ? » plein de petites questions comme celles-ci.
Ce qui fait que tout le monde peut voir à peu près les réponses correctes. Ensuite, à partir de là, on va faire pleins d’entretiens, on va commencer à faire des tests techniques, pleins de choses comme cela. On va faire en sorte que ce soit très de dur de rentrer. Mais une fois que les personnes arrivent au dernier entretien général, avec des personnes totalement au hasard, n’importe qui peut donner son droit de véto. Et si la personne a passé toutes les étapes. Dans ce cas-là, elle va commencer sa période d’essai. Elle va recevoir une petite boîte Shadow avec plein de petits trucs complètement débiles à l‘intérieur car ça nous fait marrer. Et aussi, après une semaine, la personne reçoit un chèque de deux mille euros et elle a deux possibilités. Soit elle rentre chez elle et elle garde le chèque, mais ne revient plus, soit elle revient le lundi d’après et nous redonne le chèque de deux mille euros. Comme ça, on s’assure que toutes les personnes qui viennent chez nous et qui bossent chez nous ont sacrifié deux mille pour venir bosser.
Q- Ça prouve comme cela que les personnes sont passionnées et ne sont pas intéressés que par l’argent. De mon avis extérieur, je trouve que ce mode de recrutement n’est pas du tout commun.
R- Exactement, c’est le but et ça nous amuse pas mal.
Q- Vous avez sûrement des partenaires notamment Nvidia et même d’autres partenaires ou c’est confidentiel ?
R- Nous en avons pas mal à savoir : Intel, Microsoft, AMD, Equinix pour les Datacenters, LDLC, Orange et d’autres.
Q- Avez-vous un business modèle ou vous vivez que des levées de fond ?
R- Nous vivons complètement des investisseurs et ce pendant encore très longtemps.
Q- Pensez-vous rentrez en bourse ?
R- Pour l’instant ce n’est absolument pas prévu et a priori ce n’est pas quelque chose qu’on a envie de faire. ça nous amuse d’être notre propre chef. En plus on ne posséderait plus notre propre société, nous ne serions plus capables de faire vraiment ce qu’on a envie.
Q- Il est vrai que quand tu fais des lives sur votre chaîne YouTube, tu es souvent fatigué et pas mal pris par les médias. Comment tu gères l’équilibre entre les deux ? C’est facile à gérer ?
R- Ça va vachement mieux, en fait cela dépend si je me marre ou pas. En ce moment, je commence à me re-marrer très fort. On re-progresse très fort et on a re-développé très vite. Je pense que pendant trois ou quatre mois, on n’a moins développé et on recommence à faire de super développements. D’ici un mois, on va sortir toutes les choses qu’on devait sortir depuis très longtemps.
Q- Peux-tu m’en dire un peu plus ou tu vas te faire taper sur les doigts ?
R- Non… Ce n’est pas vrai, je ne me fais jamais vraiment taper sur les doigts. Quoi qu’en y réfléchissant, si je me fais parfois taper sur les doigts. Je dis n’importe quoi. Ça énerve toujours les personnes quand je raconte des trucs. Nous sommes déjà en train de changer pour upgrade les CPU. On devrait sortir les doubles écrans et le stockage additionnel très bientôt.
Q- Que veux-tu dire par « très bientôt », pas de date ?
R- Je pense d’ici un mois et demi ou deux, si tout va bien.
Q- Savez-vous le prix du stockage additionnel ?
R- Non !
Q- Les CPU vous pensez prendre qu’elle référence ?
R- Pour l’instant des E5-2667 v3 de chez Intel.
Q- Une petite exclusivité pour nous ?
R- Ça marche superbe bien en Allemagne.
Je remercie Emmanuel de m’avoir accordé de son temps.
Copyright et Crédits photos de nos confrères de chez chefdentreprise.com