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Spinning Out : critique sans spoilers de la série Netflix

Patinage et bipolarité en milieu adolescent

Spinning Out est une série ado qui a une originalité : elle se déroule dans le milieu du patinage artistique.

Spinning Out raconte l’histoire de la famille Baker. Kat et Serena, les deux filles, sont des patineuses de haut niveau qui espèrent se qualifier pour une compétition prestigieuse. Mais ce n’est pas si simple car Kat a fait une chute terrible qui a laissé des séquelles. Pour ne rien arranger, Kat et sa mère Carol sont bipolaires, ce qui rend la vie de famille difficile, notamment pour la jeune Serena. Kat fait la connaissance de Justin, bad boy fils de riche qui lui propose d’être son nouveau partenaire sur glace. Tandis que Serena a un nouveau coach, Mitch, sur qui des soupçons de comportement déplacé ne tardent pas à pleuvoir.

Spinning Out : une série qui se repose trop sur les clichés ado

D’emblée, Spinning Out est une série qui proclame « je veux sortir du moule de la série ado ». Pour ça, elle a 2 atouts. D’abord, le milieu du patinage artistique, pas très fréquent dans les séries. Ensuite, la bipolarité de deux de ses héroïnes. Mais est-ce que ça suffit ? La série a été créée par Samantha Stratton, ancienne patineuse pro. Du coup, tout ce qui est chorégraphie des scènes, et coulisses du milieu, c’est plutôt bien rendu. Le problème, c’est qu’il y a une autre showrunneuse dans Spinning Out : Lara Olsen. Pour vous donner une idée, Olsen a été scénariste pour Reign, 90210 nouvelle génération, Private Practice, Life Unexpected… Donc, c’est une autrice spécialiste des codes séries ado sucré et soap. D’ailleurs, le choix de Kaya Scodelario, icône des ados d’aujourd’hui, n’est pas anodin.

Malheureusement, Spinning Out porte en permanence la trace d’Olsen. Dès le générique : balade sucrée, photo ouatée, inscriptions qui rappellent les livres ados de John Green… tout annonce la série ado standard.

Alors on a de la belle esthétique, une lumière vive, des acteurs mannequins, des mères MILF. Côté représentation, Spinning Out essaie d’être inclusif, mais on ne décolle pas du noir second rôle qui ne sert que de confident à l’héroïne blanche. La meilleure amie asiatique est mieux écrite, mais sa relation en montagnes russes avec l’héroïne finit par la rendre assez artificielle. Un problème de Spinning Out, c’est que les personnages secondaires sont là pour avancer l’intrigue. En effet, ils n’ont pas vraiment de storyline pour eux-mêmes. Surtout, la love story centrale est assez quelconque. Kat et Justin manquent cruellement de dimension. Et pourtant, Spinning Out vaut le coup d’oeil.

Une série qui évite les pièges de la romcom

Spinning Out évite le piège de la comédie romantique dégoulinante. D’ailleurs, en 1992, on avait déjà eu une romcom sur fond de patinage, Le Feu sur la glace, déjà pas épatante. Alors oui, le duo Kat-Justin fait très couple de romcom, avec le côté suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis. Pourtant, Spinning Out est plus habile, puisque son couple de romcom est dans un scénario qui ne relève pas de la romcom. Ou alors de la romcom un peu audacieuse (voir plus loin).

Spinning Out s’inscrit dans la mouvance des séries ado avec héros handicapés

L’atout maître de Spinning Out, c’est le discours sur la bipolarité. Jamais moquée, jamais glamourisée, Spinning Out n’hésite pas à montrer les sautes d’humeur, les effets secondaires des médocs, l’intensité écorchée des sentiments, mais aussi qu’une vie globalement normale est possible. L’adresse de Spinning Out, c’est que la bipolarité, ce n’est pas ça qui rend la famille Baker orageuse. Non, c’est une famille qui déjà a de gros problèmes de communication. Et la bipolarité n’est là que pour accentuer des problèmes qui sont déjà là.

Spinning Out s’inscrit dans cette lignée de séries avec ados handicapés. Alors, c’est un genre qui remonte à 1989 avec Corky un enfant pas comme les autres, et son héros trisomique. Mais depuis cette série, le sujet qui a été trop longtemps délaissé. Heureusement, d’autres séries ado ont repris le flambeau avec d’autres handicaps. Ça peut être l’autisme dans Atypical, la paralysie cérébrale dans Special, l’aphasie dans Speechless, ou ici la bipolarité. D’ailleurs, on retrouve ce dernier thème dans Happiness Therapy, avec aussi une compétition de danse.

Une vibe très Black Swan

L’autre atout de Spinning Out, c’est le milieu du patinage. Car il permet des moments de grâce rares. Les chorégraphies sont à tomber, la BO bourrée de pop sucrée laisse la place aux chefs-d’oeuvre de Tchaïkovsky, de Rimsky-Korsakov, de Mendelssohn. Mais qui dit compétition dit jalousie et rivalité. Alors, on est clairement pas dans une série comme Flesh and Bone où les danseuses s’amusent à mettre des morceaux de verre dans les souliers de leurs concurrentes. Mais comme dans Flesh and Bone, on retrouve la compétition féroce, un mentor russe aussi sévère que juste… et les abus sexuels. Car Spinning Out parle aussi des abus sexuels dans le milieu du sport pro, dans un vibe très MeToo. C’est fait avec beaucoup de finesse, mais aussi une bonne grosse dose d’amertume.

Pour le reste, Samantha Stratton porte un regard sec sur l’ego, la tyrannie de la perfection, la concurrence qui peut détruire les amitiés.

Le meilleur rôle de Spinning Out est sans doute celui de la mère, inspirée par celle de Black Swan, auquel on pense souvent devant Spinning Out. Dans les deux cas, une jeune femme danseuse a un lien difficile avec sa mère qui n’a jamais pu réaliser son rêve pro. Ces deux mères blâment la naissance de leur fille comme raison de leur échec. En même temps, elles poussent leurs filles à réaliser leur rêve à leur place. De ce côté, Spinning Out a l’avantage sur Black Swan puisque c’est une série. Par conséquent, elle a plus de temps pour développer le personnage. Et Carol, c’est un merveilleux personnage, très complexe, odieuse, généreuse, surprotectrice, aimante. Ce rôle convient très bien à January Jones, qui avait déjà joué un rôle d’épouse et de mère sacrificielle dans Mad Men.

Entre tradition et originalité

Alors, même si elle s’appuie trop sur les codes ado standards, Spinning Out est à voir. Elle vous offrira des moments de grâce sur glace, un regard intense sur la bipolarité, et un drama familial qui sonne très juste.

Clément Diaz
Docteur en binge-watching. Je parle séries comme je respire. De I Love Lucy à Twilight Zone en passant par Le Prisonnier et Kaamelott, je regarde, j'analyse, je critique, je décortique. Parfois, je dors.
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