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THE UMBRELLA ACADEMY Saison 2 (Netflix) : Un excès d’influences ?

La saison 2 de The Umbrella Academy est sur Netflix. Retour sur les deux saisons dans cette analyse vidéo (Transcript ci-dessous)

Spoilers sur la saison 1. Sans spoilers sur la saison 2.

The Umbrella Academy – une série patchwork ?

1989, 43 femmes donnent simultanément naissance sans avoir eu de quelconques signes de grossesse. Parmi ces enfants doués de pouvoirs magiques, 7 d’entre eux sont recueillis par un milliardaire glacial Sir Reginald Hargreeves, qui les élève avec un robot au rôle de mère et un vieux singe qui parle, de façon à en faire une équipe de superhéros. Mais la pseudo-famille se craquelle vite, surtout après la mort de Ben, le numéro 6, et chacun poursuit sa carrière. Même la mort du détestable patriarche ne parvient pas à les réconcilier. Pourtant, Numéro 5, qui a la capacité de voyager dans le temps, les prévient : un holocauste nucléaire va détruire la Terre.

Les superhéros de The Umbrella Academy (Netflix, 2019-)
La fine équipe de la Umbrella Academy (Netflix, 2019-)

Malgré une amélioration par rapport à la saison 1, le problème de la saison 2 de The Umbrella Academy demeure : un excès d’influences. Tout, ses personnages, ses storylines, plusieurs de ses trouvailles « ingénieuses », est en fait tiré d’oeuvres précédentes, qui précédaient même le comics original de 2007. Bien que Numéro 5 demeure un de ses rares atouts originaux. En réalité, The Umbrella Academy part mal dès son pitch.

Vanya ou le clonage de Dark Phoenix

Au fond, qu’est-ce que c’est le point de départ de The Umbrella Academy ? Des enfants adoptés par un homme qui se soucie davantage des bénéfices que ces enfants vont lui rapporter que de leur bien-être. Ça vous rappelle rien ? Oui, c’est le même pitch que Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire. Oui, la série date de 2017, mais le roman original date de 1999. D’ailleurs, dans son ton, on peut même rapprocher Umbrella Academy des X-Men. Ellen Page a d’ailleurs joué Kitty Pryde dans X-Men, soit une jeune femme à la recherche de sa propre identité… comme Vanya, qu’elle joue dans The Umbrella Academy.

Parlons justement de Vanya. La saison 1 de The Umbrella Academy attachait beaucoup d’importance à ce personnage sans superpouvoirs, ou du moins le croyait-elle. Sauf que là, on frôle le copié/collé dans les règles de l’art. Car l’histoire de Vanya est ouvertement inspirée de la saga du Dark Phoenix, histoire d’X-Men écrite en 1980.

La saga du Dark Phoenix, héroïne de Marvel (dès 1980)

Dans The Umbrella Academy, Vanya est une fille manipulée par son père, qui après une enfance malheureuse, déchaîne ses pouvoirs cosmiques et menace de causer une apocalypse terrestre. Vous remplacez Vanya par Jean Grey et Violon blanc par Dark Phoenix, c’est la même histoire. Vanya est manipulée par Harold, qui cherche à se venger de Reginald, dans la saison 1 de The Umbrella Academy. Son but : qu’elle libère ses pouvoirs. Dans les comics, Grey a aussi été manipulée par de Mastermind… comme Harold dans The Umbrella Academy. C’est la même histoire !

Une copie mal assumée de Doom Patrol

Mais surtout, Gerard Way n’a jamais caché son admiration pour les superhéros de Doom Patrol, escouade assez originale qui sévit sur DC depuis 1963. C’est l’influence directe de The Umbrella Academy. Et il y a beaucoup de points communs entre Doom Patrol et The Umbrella Academy, jusqu’à leurs dates : leurs adaptations série sont carrément sorties le même jour ! Et même leurs auteurs puisque Way a aussi écrit pour Doom Patrol. Les deux séries commencent avec des superhéros qui sont pris sous l’aile d’un vieux monsieur : Reginald dans The Umbrella Academy, Niles dans Doom Patrol.

Doom Patrol, la troupe folle de DC

Sauf que The Umbrella Academy reste assez classique. Tandis que Doom Patrol est beaucoup plus de mauvais goût, beaucoup plus crasseux, beaucoup plus dynamique. Alors que l’on s’attache direct aux personnages de Doom Patrol, il faut toute la première saison et tous ses flashbacks à répétition pour qu’on arrive un peu à sympathiser avec les membres de The Umbrella Academy.

Six Feet Under, ou la dette familiale d’Umbrella Academy

Mais la grosse inspiration de The Umbrella Academy ne s’arrête pas à Vanya. Rappelons 5 des 9 personnages de la série : Sir Reginald, un père glacial qui vient de mourir dans le pilote, Grace, une mère sacrificielle, Luther, un fils aîné colérique et dominateur, Vanya donc, la benjamine artiste à la recherche d’elle-même, Klaus, un gay hésitant entre flamboyance et introversion.

Maintenant, voici la famille de Six Feet Under, l’une des plus grandes séries de tous les temps :

Nathaniel Sr, un père glacial qui vient de mourir dans le pilote, Ruth, une mère sacrificielle, Nate, un fils aîné colérique et dominateur, Claire, une benjamine artiste à la recherche d’elle-même, David, un gay hésitant entre flamboyance et introversion.

La famille de Six Feet Under, modèle de celle d’Umbrella Academy

Alors, oui, ce sont des figures-types, mais honnêtement quelle était la probabilité qu’on reprenne les 5 figures de Six Feet Under et qu’on les mette dans The Umbrella Academy ? Surtout quand le développement psychologique des personnages est à peu près pareil. Pire, certaines scènes marquantes de The Umbrella Academy sont les apparitions post-mortem de Ben à Klaus. Surtout en saison 2, lorsque Ben secoue Klaus pour qu’il puisse guérir de ses blessures morales. En réalité, cette idée et son contexte sont tirées des derniers épisodes de Six Feet Under.

La faute au 1er showrunner ?

On peut se demander pourquoi The Umbrella Academy partait mal dès le départ. A cause du scénariste original du comics, Gerard Way, qui a un peu de mal à se libérer de ses influences ? Un peu mais pas totalement. On peut penser qu’il s’agit aussi de la faute au 1er showrunner de la série. Avant que Steve Blackman ne prenne la production en main, c’était Jeremy Slater qui avait commencé le développement de la série. Il est même crédité comme scénariste unique du pilote. Sauf que Jeremy Slater a souvent du mal à adapter un matériau existant. Je rappelle quand même qu’on lui doit le scénario du film Death Note (2017) et des 4 fantastiques version 2015. Soit des énormes flops artistiques.

Des « trouvailles » qui n’en sont pas

Le problème de The Umbrella Academy est que ça ne s’arrête pas au début. Alors, que l’histoire soit un peu bateau (Stop the apocalypse!) n’est pas importante. Sinon, on ne lirait plus un seul comics ! Le problème est que la manière de les raconter remonte également à d’autres séries. En saison 1, Umbrella Academy s’appuie sur pas mal de flashbacks successifs. On a dans un épisode un flashback de Luther, dans un autre, un flashback de Five, dans un autre de Ben, etc. Tous les personnages ont leurs flashbacks passés en revue… ce qui totalement la marque de fabrique d’une série comme Lost.

Lost ou la maîtrise absolue des flashbacks

Et lorsque The Umbrella Academy tente des trouvailles comme le fameux épisode de la saison 1 qui finalement n’existe plus après un saut temporel de Five, tout ce qu’on a, c’est une alternative narrative qui sert à rien. Alors que dans pas mal de séries comme Doctor Who, Supernatural ou même Dallas qui annule carrément une saison entière, ces épisodes creusent les personnages comme rarement. Alors, on quitte la timeline alternative en en ayant appris plus sur eux, un minimum que The Umbrella Academy a du mal à atteindre.

La saison 2 de The Umbrella Academy : un pillage de La Patrouille du Temps

On passe à The Umbrella Academy saison 2. Soyons honnêtes, je m’attendais à du mauvais, et finalement, c’est moins pire que ce que je croyais. Je l’ai même trouvée plutôt correcte. Oui dans The Umbrella Academy saison 2, y a plus d’action, plus d’humour, moins de psychologie à deux balles… Sauf qu’elle a un gros problème. En effet, l’élément important de cette saison 2, c’est quand même la Commission du Temps. Or tout dans le fonctionnement de la Commission du Temps est pompée sur un monument de la SF littéraire : Time Patrol ou la Patrouille du Temps, un classique de Poul Anderson, qui a été publié en 1955.

Le monument SF de Poul Anderson a trop pesé sur la saison 2 de The Umbrella Academy

D’ailleurs, vous avez remarqué ? La Commission a vraiment son QG en 1955. Et c’est aussi l’année où Marty revient dans le passé dans Retour vers le futur. Comme un running gag.

Dans The Umbrella Academy saison 2, on a donc : l’organisation de la Commission, les assassins qui veulent faire joujou avec le temps, Allison qui aimerait rester dans le passé avec son mec, le tueur romantique, les gardiens du temps, les batailles terribles, les rendez-vous de la Commission à différents endroits du temps… à peu près toutes les bonnes idées de la saison 2 de The Umbrella Academy sont tirées des 11 nouvelles de La Patrouille du Temps de Poul Anderson. Ce qui n’aurait pas été grave si The Umbrella Academy avait au moins trouvé une nouvelle manière de raconter ses trouvailles.

C’est assez étonnant qu’une websérie française comme Le Visiteur du Futur ait réussi à reprendre cette idée de La Patrouille du Temps, modus operandi inclus, mais en la détournant suffisamment pour qu’elle soit vraiment originale…

La tragédie JFK et le voyage dans le temps

Le problème ce n’est pas que The Umbrella Academy ait autant d’influences. Le problème, c’est qu’elle laisse ses influences lui dicter tout ce qui fait sa sève : les persos, les storylines, les trouvailles. Aussi, on peut se poser la question : qu’est-ce que cette série propose d’original ?

L’apocalypse à empêcher en saison 2 serait liée à l’assassinat de Kennedy en 1963. Faire joujou avec le temps pour perturber la mort de Kennedy n’est déjà pas original, c’est même le sujet de l’ouverture de la saison 5 de Code Quantum avec Sam piégé dans le corps de Lee Harvey Oswald.

L’assassinat de John FItzgerald Kennedy demeure l’une des plus grandes tragédies de l’Histoire des États-Unis

Mais surtout, la série ressemble un peu trop à un roman de Stephen King : 22/11/63. Le livre a d’ailleurs été adapté en série. Alors oui, Way a écrit son scénario avant le livre de Stephen King, mais ce qui est embarrassant, c’est que dans la série Umbrella Academy, on reprend beaucoup de tics visuels et narratifs de l’adaptation série de 22/11/63. Avec même des dialogues parfois proches.

Une narration bancale

La saison 2 recycle le même défaut que la saison 1. En effet, elle propose une histoire de 5-6 épisodes étalée sur 10. Parce que l’histoire ne décolle pas tant que tous les membres de la The Umbrella Academy sont réunis. Avant, on doit les suivre, chacun, dans leur vie..; et on s’emmerde pas mal.

Le pire, c’est que dès que The Umbrella Academy saison 2 veut avancer, les auteurs nous balancent les cartes coïncidences, comme des scènes de retrouvailles un peu faciles, des abandons de personnages intéressants (que devient Grace ?) Et surtout les pouvoirs. Je n’aimais pas la saison 1 de The Umbrella Academy. Mais au moins, les auteurs ne se servaient pas des pouvoirs des héros comme tour de passe-passe scénaristique. Contrairement à la saison 2 où ils se sont complètement lâchés.

Les auteurs veulent avancer l’histoire ? Ils utilisent Numéro 5, puis le réutilisent, puis le surutilisent. Au bout d’un moment, cela devient un running gag. Mieux, les 3 moments-clés de la saison 2, c’est à chaque fois Vanya qui utilise son pouvoir. Les 3 fois ! Au bout d’un moment, les ficelles sont trop grosses.

Quelques bonnes idées malgré tout.

On trouvera quand même quelques bonnes choses dans The Umbrella Academy saison 2. Par exemple, de nouveaux personnages cette saison qui sont plutôt cools : le nouveau mec d’Allison, la Directrice toujours aussi perfide, un nouveau personnage très badass, très cool. Le rythme s’accélère dans les derniers épisodes au lieu du train un peu plan-plan.

Et surtout, le twist final, très drôle, lance bien la saison 3, avec un bel éclat de rire ironique. Toutefois, au final, la saison 2 de The Umbrella Academy demeure décevante par son excès d’influences.

Clément Diaz
Docteur en binge-watching. Je parle séries comme je respire. De I Love Lucy à Twilight Zone en passant par Le Prisonnier et Kaamelott, je regarde, j'analyse, je critique, je décortique. Parfois, je dors.
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