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UNDONE : Au-delà du réel ? (sans spoilers)

Undone, nouvelle création du papa de BoJack Horseman, a fait sensation sur Amazon Prime Video. Spiritualité, voyage dans l’espace-temps fort original, personnages complexes, exploration précise de l’intime humain, Undone est l’une des grandes séries de cette année. On vous dit pourquoi dans cette vidéo (transcript ci-dessous)

 

 

Transcript :

Si vous pensez qu’on ne peut plus rien faire d’original sur le thème du voyage dans le temps, c’est que vous n’avez pas regardé Undone.

Undone est une série animée américaine en 8 épisodes de 22 minutes. Elle a été créée par Raphaël Bob-Waksberg et Kate Purdy. Et elle est disponible sur Amazon Prime Vidéo. Dans Undone, nous plongeons dans la vie d’Alma, 28 ans, gardienne d’enfants, et sourde d’une oreille. Son entourage ? Becca, sa sœur cadette bientôt mariée, Camila, leur mère surprotectrice, Sam, son copain sympa. Bref, Alma s’emmerde dans sa petite vie tranquille. Un jour, Alma est victime d’un accident de la route. C’est alors qu’elle a des visions de Jacob, son père décédé depuis 20 ans. De plus, elle découvre qu’elle peut aussi voyager dans le temps et l’espace. Jacob lui demande d’aiguiser ses capacités pour qu’elle puisse sauter au soir de sa mort, dans l’espoir de changer le passé et lui sauver la vie. En effet, Jacob a de sérieuses raisons de penser qu’il a été assassiné.

Undone : L’influence de BoJack Horseman

Si je devais vous donner une bonne raison de regarder Undone, c’est qu’elle a été co-créée par Raphael Bob-Waksberg, le créateur de BoJack Horseman. C’est-à-dire l’une des meilleures séries de ses dix dernières années, et apogée de ce que Netflix peut faire de mieux. D’ailleurs, la co-créatrice Kate Purdy, et les scénaristes Joanna Calo et Elijah Aron sont d’autres têtes importantes de BoJack Horseman. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de qualités de BoJack Horseman se retrouvent dans Undone.

Alma et BoJack ont en commun un ennui, une haine de soi qui les freine dans leur recherche du bonheur. La toute 1re phrase qu’on entend dans Undone est « La vie m’ennuie ». C’est une phrase très BoJack. D’ailleurs, dans les deux séries, on retrouve cette haine de soi qui nous pousse à blâmer le monde plutôt que de se remettre en question. Cette ressemblance est là pour nous avertir : Alma ne va pas être une narratrice fiable. Et oh mon dieu, ce détail a son importance !

Autre point commun, la tentation de cacher son vrai soi de peur que les autres ne nous aiment plus s’ils venaient à nous connaître vraiment. Enfin, dans les deux séries, on retrouve une volonté de Waksberg de parler du monde d’aujourd’hui. Alors, dans BoJack, ça prenait souvent la forme d’épisodes « à thème », tandis que dans Undone, c’est davantage quelques petites scènes, quelques petites répliques en arrière-fond. Mais qui en même temps, nous en disent beaucoup. Notamment sur les clichés sur les sud-américains. C’est un sujet qui est très cher à la co-créatrice Kate Purdy, elle-même d’origine sud-américaine.

Bye-bye le whitewashing !

On remarque d’ailleurs que Alma est interprétée par Rosa Salazar, qui jouait Alita dans le film de Rodriguez et Cameron. Or, Waksberg a été critiqué pour BoJack Horseman d’avoir casté Alison Brie, une actrice 100 % américaine dans le rôle de Diane Nguyen, une femme d’origine vietnamienne. Que Waksberg prenne des actrices d’origine sud-américaine pour jouer des personnages sud-américains apparaît comme une reconnaissance de son erreur. C’est d’autant plus frappant que Alma se définit comme quelqu’un de cassé, exactement d’ailleurs comme Diane Nguyen dans BoJack Horseman. Mais si elle a les mêmes bases que BoJack, Undone est tout autre chose.

Undone s’inscrit dans la lignée des séries animées qui explosent d’inventivité, d’imagination, de grandeur pour parler avant tout d’intime. Comme par exemple Rick & Morty, Final Space ou peut-être le meilleur exemple : Evangelion, l’un des plus grands anime japonais. C’est une démarche qu’on peut rapprocher en musique d’Anton Webern, un compositeur du XXe siècle qui aimait beaucoup utiliser le grand orchestre pour des musiques très intimes, très courtes même.

 

Un visuel brillant au service d’une histoire intime

Toutefois, Undone est à l’opposé de Rick & Morty dont les aventures plus grandes que la vie n’apportent que nihilisme et désespoir, loin d’un foyer familial imparfait mais bien plus sain. Undone est plus nuancée.

Undone tire aussi parti de sa réalisation en rotoscopie. C’est une technique qui permet de modifier un film en live-action et lui donner un aspect animé. Undone est la toute 1re série au monde à utiliser intégralement cette technique. La rotoscopie permet un visuel, des FX incroyables quand Alma voyage dans le temps. Le fait que ça ressemble à du live-action rend ces moments où le temps, l’espace se modifient beaucoup plus percutants.

Mais ce qui touche vraiment dans Undone, c’est sa volonté d’explorer la psyché humaine au plus profond. Il y a dans Undone, une volonté de s’arracher à une réalité terne. Qu’est-ce qui se passe quand on a conscience de ça ? Eh bien, on développe un regard plus juste sur le monde, mais pas forcément plus juste sur nous-mêmes. Cela, Undone le montre à merveille : les personnages sont très intelligents, ils voient comment le monde et les autres fonctionnent, mais ils ne voient pas voire ils nient leurs propres défauts. Et ça donne des personnages fascinants. Il y a une règle d’écriture qui dit « Un bon dialogue, c’est un dialogue où les deux personnes ont raison ». Mais dans Undone, ça va encore plus loin : dans les dialogues, les personnages ont tous raison et tort à la fois. On retrouve cette virtuosité dans BoJack Horseman.

Jacob, le père, est aussi fascinant. Plus on avance dans la saison, plus il est confronté à ses zones d’ombre. Un rôle ambigu, parfaitement taillé pour Bob Odenkirk, spécialiste de ce genre de persos depuis qu’il incarne Saul Goodman dans Breaking Bad et Better Call Saul.

 

Undone : Entre réel et non réel

Mais l’âme d’Undone, c’est bien Alma. Et c’est là qu’on arrive au plus important. Certes, les voyages d’Alma sont fascinants, mais ils servent surtout à révéler les personnages. Là, Undone semble être une extension de deux épisodes phares de BoJack Horseman : Downer Ending et Time’s Arrow. Dans le 1er, nous pénétrons dans la tête de BoJack et on sonde sans concession ses ténèbres. Dans le 2e, nous sommes dans la tête de la mère de BoJack, une malade mentale. Coïncidence ? Les deux épisodes ont été écrits par la co-créatrice d’Undone, Kate Purdy.

Alma navigue sans cesse entre passé et présent proches. Elle ne peut explorer que le temps entre sa naissance et le présent, un procédé qui rappelle d’ailleurs pas mal Code Quantum. Mais plus elle voyage, plus elle se rend compte que le présent importe pour elle. Il lui arrive d’envoyer faire chier son père pour s’occuper de sa sœur. Mais surtout, ce qu’elle apprend du passé lui permet d’avoir un meilleur jugement sur son présent, comme son propre égoïsme. Mais aussi de mieux comprendre son compagnon, qui lui fait voir les vertus du monde réel.

Cependant, le monde réel ne suffit pas. Undone nous dit clairement que ce ne sont pas nos émotions, donc le produit de notre expérience sur Terre, qui nous définissent. Non, ce qui nous définit, c’est notre univers, notre vie intérieure, ce que nous créons. En revenant aux sources ancestrales, avec des croyances et des rituels sud-américains, Alma débloque son potentiel ainsi que les plus belles qualités humaines : la compassion, l’empathie.

 

Undone : une série à double lecture

Undone est donc une série à la fois cérébrale et spirituelle. Et c’est pour cette raison que la série se termine sur une note ambiguë, sur une fin à double lecture, qui nous pousse à revoir toute la saison d’un autre œil. Regardez Undone, c’est une série magnifique. Vous ne serez pas sûr à la fin de ce que vous avez vu, mais vous serez touchés par ce qu’elle dit : le réel et le non-réel se valent autant, il faut apprendre à vivre dans les deux à la fois pour se retrouver.

Clément Diaz
Docteur en binge-watching. Je parle séries comme je respire. De I Love Lucy à Twilight Zone en passant par Le Prisonnier et Kaamelott, je regarde, j'analyse, je critique, je décortique. Parfois, je dors.
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