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VALERIA (Netflix) : Une comédie romantique innovante ? (sans spoilers)

Une comédie romantique espagnole qui mélange Sex and the City et un mélodrame hollywoodien des années 40 ? C’est le mélange de Valeria, une étonnante série Netflix 2020. On vous dit tout dans cette analyse sans spoilers (transcript en-dessous de la vidéo)

Transcript :

Valeria : une romcom madrilène

Valeria est une jeune écrivaine qui se cherche. Elle tente de publier son 1er roman. Et elle se pose des questions sur son couple avec Adri, un photographe vidéaste. Pour ne rien arranger, Valeria est très attirée par le beau Victor. Elle peut heureusement compter sur ses amies : Carmen, une romantique peu sûre d’elle, Lola, une croqueuse d’hommes et Nerea, une lesbienne membre d’une association féministe. Ensemble les 4 amies cherchent à améliorer leur situation professionnelle et personnelle. Alors qu’à Madrid, la chaleur de l’été excite les corps.

Ce qui est intéressant dans Valeria, c’est que la série ne cache jamais ses influences, elle les revendique. Ce qui est instructif, c’est de voir comment elle dépasse ses modèles… quand elle y arrive.

L’influence de Sex and the City

Parce qu’à première vue, Valeria a tout de la copie de Sex and the city. On a souvent dit que Sex and the City, c’était Jane Austen avec des cocktails. Eh bien, dans le 2e épisode de Valeria, un personnage dit du roman de Valeria, inspiré de ce qu’elle vit, que c’est « Raison et sentiments dans ta chatte ». La formule est marrante, mais elle révèle bien la filiation avec Jane Austen et donc Sex and the City.

Les actrices de Sex and the City (1998-2004)

Ce sont les mêmes personnages. Valeria est la Carrie locale : une écrivaine attirée par un homme mystérieux, Victor dans Valeria, Mr. Big dans Sex and the City. La fleur bleue Carmen descend de Charlotte, la volcanique Lola est un clone de Samantha, et la combattive Nerea a tout de Miranda.

Il y a beaucoup de points communs entre Carrie et Valeria. Elles se plaignent souvent, à tel point que leurs amies en ont parfois marre. La série filme Madrid avec les yeux de l’amour amour, comme Sex and the City New York. La morale romcom de Valeria est « tout le monde cherche l’amour » qui est plus ou moins celle de Sex and the city.

Mais la comparaison avec Sex and the City n’est pas favorable à Valeria. Moins drôle, elle n’a ni l’intelligence ni l’esprit de son modèle. En réalité, Valeria tombe dans le même piège que Plan Coeur, une romcom française aussi très inspirée de Sex and the City. Ainsi, elle nous ressert un néoféminisme glamour, vieux de 20 ans qui n’a pas été actualisé. D’où l’impression de regarder une série des années 90 en 2020. Tant qu’à regarder une série de filles glamour, The Bold Type est plus pertinente. Elle soulève de nombreuses questions de société, certes pas sans maladresse, mais avec beaucoup d’audace…

De Plan Coeur à The L Word

Mais contrairement à Plan Coeur, Valeria tente quand même quelque chose. Par exemple, les scènes où Nerea et ses amies lesbiennes montent des opérations coup-de-poing et ne sont pas d’accord sur la marche à suivre. Là, Valeria invoque les œuvres qui ont parlé de conflits au sein de groupes engagés, comme Act’Up dans 120 battements par minute, ou plus récemment encore, Mrs. America. On apprécie aussi qu’il y a dans l’association des genderqueer, des non-blancs et des femmes trans. Par contre, on sent un peu trop la copie appliquée de The L Word. Pas seulement parce que Nerea fait penser à un clone de Bette Porter, mais aussi dans des échanges vifs, glam, bourgeois qu’on croirait polycopiées de la série d’Ilene Chaiken.

Bette Porter (The L Word), le modèle de Nerea de Valeria

Et je trouve aussi dommage que les amies de Valeria soient un peu sacrifiées, alors que dans Sex and the city et The L Word, les rôles étaient plus équilibrés. D’ailleurs, on s’étonnera que les scènes de sexe hétéro soient assez crues, et celle entre lesbiennes plus pudiques. Comme une différence de traitement pas trop justifiée.

Valeria et les galères d’écrivain

Par contre, il y a 2 points où Valeria tire son épingle du jeu, et qui l’empêchent d’être un flop.

D’abord, la description de la vie d’écrivain. On songe beaucoup à Californication, comédie noire sur un écrivain qui gère ses galères d’auteur par une sexualité explosive. Valeria se montre aussi juste que Californication, même si son ton est plus optimiste. Valeria décrit bien les galères des auteurs : elle ne respecte pas les délais, son 1er jet est nul, une éditrice la lâche, la famille la soutient peu, son refus de prendre un job alimentaire… Dans la description de la vie d’écrivain, et les répercussions sur la vie personnelle, Valeria est douloureusement juste.

Valeria : une réécriture étonnante de Brève rencontre

Mais surtout, Valeria apparaît comme une version contemporaine du film Brève rencontre de David Lean. Le film est d’ailleurs souvent cité dans la série.

Brève rencontre, d’après la pièce de Noël Coward, est un mélodrame de David Lean. Laura est mariée à un homme sympathique mais où la passion est éteinte. Un jour, elle tombe amoureuse d’Alec, un homme séduisant avec qui elle partage une connexion immédiate. Toutefois, elle luttera jusqu’au bout pour ne pas sombrer dans l’infidélité.

Laura et Alec, le couple interdit de Brève rencontre (1945)

Valeria garde l’esprit du film : les questionnements de l’héroïne, le bel amant, le dilemme de larguer un bon mari mais qui ne la rend plus heureuse, les tentatives d’infidélité toujours interrompues. Mais la forme est différente. Dans le film de 1945, la tension sexuelle est implicite, les corps se touchent à peine, tout marche par non-dits. Dans la série de 2020, l’érotisme est pas forcément plus fort mais est plus explicite : scènes de masturbation, de flirt, baisers hot… Et l’on est vraiment pris dans ce suspense sexuel. La tension sexuelle est à l’honneur en ce moment, puisque c’est le sujet de la série Run. D’ailleurs, dans Valeria, l’héroïne et Victor envisagent de tout plaquer et fuir dans un train, comme le couple épique de Run, qui fuit le quotidien à bord d’un train pour vivre d’excitantes aventures.

Une série inégale mais divertissante

Au final, Valeria est trop étouffée par ses références pour convaincre. Mais elle propose des pistes qui la font sortir d’une copie toute tracée. N’hésitez pas à vous en faire une idée sur Netflix. En tous cas, côté série espagnole sexy, c’est une bonne alternative à Elite.

Clément Diaz
Docteur en binge-watching. Je parle séries comme je respire. De I Love Lucy à Twilight Zone en passant par Le Prisonnier et Kaamelott, je regarde, j'analyse, je critique, je décortique. Parfois, je dors.
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