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THE I-LAND : Le nouveau Lost ?

The I-Land, nouvelle production Netflix a débarqué jeudi 12 septembre dernier. Alors, on binge ou pas ? Voici ma critique en vidéo (transcript disponible sous la vidéo) :

 

 

Transcript :

Dans The I-Land, il n’y a pas que l’île qui est perdue, le scénario aussi.

Bonjour les addicts, aujourd’hui, on va parler de The I-Land. C’est une série qu’on a un peu trop rapidement comparée à Lost. The I-Land est une série de SF américaine en 7 épisodes de 40 minutes. Elle a été créée par Anthony Salter, et
elle est disponible en intégralité sur Netflix.

The I-Land commence par dix individus, 5 hommes et 5 femmes, qui se réveillent sur la plage d’une île déserte. Ils ne se souviennent de rien. En particulier, on va suivre Chase, une femme au passé trouble qui va rapidement se prendre dans la gueule plus de merdes que ses compagnons. Ensemble, ils vont essayer de percer le secret d’une île aux mille mystères, si du moins, ils ne s’entretuent pas tous avant.

The I-Land s’est ramassée rapidement un colossal backlash critique et public. En effet, tout le monde s’accorde pour dire que c’est du sous-sous-sous-sous Lost.

Les îles (plus ou moins) désertes dans la fiction


Mais, mais pas du tout coco, ça n’a rien à voir avec Lost ! Bon par contre, c’est d’la merde. Mais encore une fois, invoquer Lost ne me paraît pas très judicieux pour plusieurs raisons. D’abord, The I-Land est intéressante par
sa lutte pour trouver une voix originale, pour parler d’une humanité renvoyée à l’état de nature. Quand on y pense, ce n’était pas vraiment un sujet traité dans Lost. Car Lost parlait davantage de destin, d’affrontement entre foi et science, de voyage intérieur. Le problème de The I-Land, c’est qu’elle se noie complètement sous un déluge de références qu’elle n’a pas du tout digéré.

L’humanité qui se déchire dans une île isolée, c’est assez courant depuis Deux ans de vacances de Jules Verne et Sa Majesté des mouches de William Golding. Mais on oublie que les séries américaines qui se passent sur des îles, ben ça fait partie intégrante de la culture populaire américaine. L’une des séries les plus cultes aux États-Unis s’appelle Gilligan’s Island (L’île aux Naufragés en VF). Et elle date quand même de 1964. Plus intéressant, en 1977, un homme mystérieux, Mr. Roarke, est propriétaire de L’Île Fantastique. Elle porte bien son nom car il est capable d’y matérialiser des créatures, paysages et événements fantastiques.

The I-Land ou les obsessions du showrunner Neil LaBute

 

Le générique de The I-Land crédite Anthony Salter comme créateur. Pourtant, la série est marquée toute entière par l’empreinte de son showrunner et scénariste principal, Neil LaBute.

LaBute est au départ un auteur de théâtre – le détail a son importance – et c’est le spécialiste des personnages détestables. Son premier film, En Compagnie des hommes, parlait de 2 salauds misogynes qui torturaient une pauvre nana. Le film suivant, Entre amis & voisins, parle de 6 personnages misanthropes. Même s’il a fait par la suite des œuvres moins sombres, LaBute est à juste titre un juge cruel mais fin de la condition humaine.

Contrairement à Lost, les personnages de The I-Land sont amnésiques, préfèrent se disputer entre eux plutôt que d’explorer l’île, et sont des raclures. A part Chase, et Cooper qui devient son allié, on a une bande d’humains violente et égoïste. D’ailleurs, le pilote a pour titre « Brave New World », titre original du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. On rappellera que c’est l’une des plus grandes dystopies jamais écrites, avec des rapports humains totalement déshumanisés.

Le propos de The I-Land, qui est sur l’éternel question nature vs. Education, est aussi typique de LaBute. La série pose vraiment comme question : qu’est-ce qui influence le plus nos comportements ? Est-ce que ce sont nos dispositions naturelles ou est-ce que c’est l’environnement ? Et là, pour le coup, j’ai plutôt aimé la morale de la série qui dit que ce soit l’un ou que ce soit l’autre, l’humanité est condamnée à foutre la merde. Et c’est bien montré. De plus, il y a quelques scènes cruelles qui frappent. Là, je pense à l’épisode 5 qui se termine sur une vision horrifique. On peut citer aussi le twist du dernier épisode qui est plutôt bien, mais alors, bonjour la déprime !

Un excès de références inutiles


Là où The I-Land se tire une rafale de mitraillette dans les orteils, c’est qu’elle s’alourdit de références dont elle n’avait absolument pas besoin. Lost est citée à tour de bras. Alors, on reprend les dérèglements temporels dus aux dimensions parallèles, un cliffhanger pompé sur la fin de la saison 1 de Lost, les numéros récurrents… mais si ce n’était que ça ! Si au moins la grande influence de The I-Land était Lost, le ratage serait compréhensible.

Persons Unknown est sans doute l’influence-clé de The I-Land. Persons Unknown est une série qui reprend le même thème d’étrangers amnésiques dans un lieu impossible à fuir, surveillé en permanence. Et devinez quoi, c’est aussi un ratage, malgré Christopher McQuarrie comme créateur. Comme quoi, tu peux scénariser Usual Suspects, et réaliser 3 Mission Impossible, ben tu peux quand même te viander. The I-Land reprend aussi le thème de la justice disproportionnée, sur un mode très Black Mirror. Le problème est que c’est beaucoup moins efficace vu que les personnages de The I-Land sont bien trop caricaturaux.

The I-Land : une écriture trop théâtrale


L’acting et la mise en scène sont pas top, mais le gros problème de The I-Land, c’est le scénario. Alors attention, Neil LaBute est un très bon auteur, mais c’est un auteur de théâtre. L’autre scénariste de la série, Lucy Teitler, est aussi dramaturge. Du coup qu’est-ce qui se passe ? Ben, c’est qu’on a dans The I-Land, une écriture de théâtre plaquée sur une série. Et là, The I-Land s’effondre. Les dialogues sont lourds, le surjeu des comédiens passerait très bien sur une scène de théâtre, mais devant une caméra, c’est juste épuisant.

Contrairement à Lost, une vraie série, The I-Land semble pensée comme une pièce de théâtre, avec des entrées et des sorties de personnages, qui font très théâtre, mais pas très « série ». Il y a des raccourcis scénaristiques, à la fois spatiaux et temporels qui passeraient encore une fois bien au théâtre mais pas du tout dans une série. Vraiment, si quelqu’un veut adapter The I-Land en pièce de théâtre, je crois que les 14 millions de dollars de budget de la série ne vont pas lui manquer. Je pense même que ça s’y prêterait mieux.

C’est surtout visible dans l’épisode 3 qui passe 38 minutes à enchaîner les révélations. Avantage : on évite la comparaison avec Lost, série construite quand même sur le mystère, la fameuse « mystery box » chère à J.J.Abrams. Mais l’Inconvénient, c’est que un épisode où il ne se passe rien si ce n’est une explication interminable pendant 38 minutes, c’est juste épuisant. Là, ça m’a rappelé pas mal Full Disclosure, un épisode d’Alias qui révèle tous les mystères de la 3e saison en un seul épisode. Et encore, il contenait tant de révélations que ça se justifiait. Mais la mythologie de The I-Land est trop faible pour supporter 1 épisode entier de parlotes.

The I-Land gâche son potentiel

Je vous passe certaines idioties comme le flashback d’une des nanas, KC, qui n’est pas crédible une seconde, un meurtrier qui laisse un cadavre bien en évidence, des retrouvailles mal amenées, des évasions faciles… Et c’est vraiment dommage, The I-Land avait un bon propos, quelques scènes-chocs, elle avait du potentiel, mais elle le gâche complètement par des références inutiles et une écriture beaucoup trop théâtrale. On peut penser que Netflix va se dépêcher d’oublier cette série.

Clément Diaz
Docteur en binge-watching. Je parle séries comme je respire. De I Love Lucy à Twilight Zone en passant par Le Prisonnier et Kaamelott, je regarde, j'analyse, je critique, je décortique. Parfois, je dors.
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Comments

  1. Série qui commençais bien, épisodes 1 et 2 sympas puis la catastrophe, le truc part en cacahuète grave plus aucun intérêt après l’épisode 4. Dommage car ça donnait envie au début…

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